Le pire tueur en série des Etats-Unis dessinait ses victimes

les forces maliennes et nigériennes menaient une opération conjointe contre les djihadistes quand une patrouille a été attaquée à Tabankort, a dit l’armée malienne. Les forces maliennes « déplorent 24 morts, 29 blessés et des dégâts matériels. 17 terroristes tués et une centaine de suspects appréhendés », a-t-elle rapporté. Les prisonniers sont aux mains des forces nigériennes, a-t-elle dit.

Par César Marchal

Dans l’étroite salle d’interrogatoire de la prison de Decatur, au Texas (Etats-Unis), il ne règne pas cette tension froide caractéristique des séries policières. Le ranger qui mène la danse, la quarantaine bien tassée et des airs de cow-boy, est manifestement décontracté. Tour à tour avachi sur sa chaise ou penché nonchalamment sur sa table, il griffonne des notes sur un cahier. Son interlocuteur, un vieil homme épais aux traits lourds et à la peau brun clair, avale une bouchée de pizza entre deux réponses.

Les deux individus se sont vus presque chaque jour de ce mois de septembre 2018. A force, ils ont fini par bien se connaître. Jusqu’à s’appeler par leurs surnoms. « Jimmy », l’officier, a passé plus de 700 heures à cuisiner « Sammy », le détenu. Des interrogatoires ponctués d’attentions : pizzas, menus McDonald’s, sodas, milkshakes… James Holland bichonne son prisonnier pour mieux le faire avouer. Avec succès. Samuel Little a confessé 93 meurtres, commis entre 1970 et 2005 dans 19 Etats américains. Les autorités américaines en ont déjà vérifié une cinquantaine, confirmant du même coup son macabre statut : à 79 ans, diabétique, cardiaque et cloué dans son fauteuil roulant, Samuel Little est le tueur en série qui détient le triste record du nombre de crimes des Etats-Unis.

Une première fois acquitté

Au fil des interrogatoires, James Holland parvient à instaurer un dialogue avec Samuel Little. Capture 60 minutes Overtime/CBS
Au fil des interrogatoires, James Holland parvient à instaurer un dialogue avec Samuel Little. Capture 60 minutes Overtime/CBS  

Little naît en 1940 à Reynolds, dans l’Etat de Géorgie. On en sait peu sur son enfance. Il assure aux enquêteurs que sa mère était une prostituée, et qu’il a surtout été élevé par sa grand-mère. En 1956, à 16 ans, il est arrêté pour vol et placé dans un centre de détention pour mineurs de l’Ohio. Une centaine d’autres arrestations suivront en 50 ans, dans 24 Etats et pour tous les délits imaginables : vol à main armé, viol, conduite en état d’ivresse, violation de domicile… Au total, Samuel Little passe 10 ans derrière les barreaux. Mais jamais pour meurtre.

En 1982, il est le suspect n°1 dans l’assassinat de Melinda LaPree, 22 ans dont le corps a été jeté dans un cimetière près de la petite ville de Pascagoula, dans le Mississippi. Des témoins affirment l’avoir vu emmener la victime dans sa voiture. Deux autres femmes assurent avoir subi elles aussi ses assauts, quelques jours auparavant. Pendant le procès, les autorités apprennent qu’il a été accusé la même année d’un meurtre similaire, en Floride. Mais, faute de preuves suffisantes, les poursuites sont abandonnées et le procès, bien vite bouclé. Little est acquitté.

Un jugement hâtif ? La victime était une prostituée. Les deux autres femmes étaient Afro-américaines. A l’époque, le Mississippi ne se presse pas pour résoudre les cas impliquant ces petites gens. Dans le jargon policier, ce type de décès a même un nom : « the less dead », littéralement « les moins morts », parce que leur disparition ne se remarque pas, tant leur existence, déjà, était fantomatique.Newsletter – L’essentiel de l’actuChaque matin, l’actualité vue par Le ParisienJE M’INSCRISVotre adresse mail est collectée par Le Parisien pour vous permettre de recevoir nos actualités et offres commerciales. En savoir plus

C’est sur eux que s’abat Samuel Little. Ses 93 victimes sont toutes des femmes (dont deux transgenres) vivant en marge de la société, dans des quartiers déshérités. Le meurtrier cible des prostituées, des droguées, des sans-le-sou, sans toit, sans protection… « Je n’ai jamais tué de sénatrices, de gouverneuses ou de chics journalistes new-yorkaises, confie-t-il à Jillian Lauren, du New York Times. Rien de ce genre! Si je vous avais tuée, ça aurait été partout aux infos le lendemain. Je suis resté dans les ghettos. »

Samuel Little a été boxeur professionnel. Jeune, il est massif et ses mains, énormes, ont la puissance de marteaux. Ses yeux gris-vert lui confèrent une certaine aura, dont il use pour attirer ses proies à l’arrière de sa voiture. Il les conduit ensuite dans un endroit discret, les assomme de ses poings, puis les étrangle. Souvent, il les viole ou se masturbe en les asphyxiant. C’est là qu’il trouve son plaisir : « C’était comme une drogue, répond-il quand le ranger James Holland l’interroge sur son premier meurtre, en 1970. J’y ai pris goût ».

Dès qu’il commet un crime, Little quitte les lieux, échappant aisément aux radars des enquêteurs. Il faut attendre 2012 et les recherches d’une détective au Los Angeles Police Department pour que les autorités s’intéressent de près à son profil. En épluchant des dossiers d’affaires classées, elle découvre qu’un échantillon d’ADN, prélevé sur Samuel Little en 1984, correspond aux traces retrouvées sur les cadavres de deux prostituées assassinées en 1989 à Los Angeles. Il faut maintenant retrouver le meurtrier présumé. Mais Little est, comme ses victimes, un fantôme. Pas d’adresse fixe, pas de voiture immatriculée, ni même de carte de crédit. Le localiser nécessite plusieurs mois de recherches. Il est finalement arrêté à l’automne dans un foyer pour sans-abri, dans le Kentucky, puis transféré en Californie.

Le FBI arrive en renfort

Là, un troisième meurtre, prouvé encore une fois grâce à des traces d’ADN, lui est imputé. Little est cuit. Il est condamné en septembre 2014 à la prison à vie pour triple homicide, sans possibilité de liberté conditionnelle. Mais, durant ces deux ans de procès et d’interrogatoires, il nie tout. Reconnaissant son profil comme celui d’un tueur en série, la police de Los Angeles appelle le FBI en renfort. Christina Palazzolo, une analyste du Programme d’arrestation pour les actes criminels violents, est mobilisée sur le dossier. Elle examine les moindres détails de son parcours erratique et découvre qu’un homicide commis en 1994 au Texas correspond à ce qu’elle a identifié comme son mode opératoire.

Le corps de la victime, Denise Brothers, porte des traces de strangulation. Ne manque plus qu’une personne pour mener l’interrogatoire. Christina Palazzolo rencontre James Holland au hasard d’un congrès. Cette grande carcasse coiffée d’un Stetson blanc a la démarche d’un cow-boy sorti du Far West. Il avance bras et jambes légèrement écartés, les mains à demi ouvertes, l’air prêt à dégainer à tout instant. Un John Wayne du XXIe siècle, qui se révèle une sommité de l’interrogatoire, spécialiste des tueurs en série. Il rencontre le prisonnier en mai 2018, dans une prison californienne.

Mémoire photographique

Le tueur en série réalisera les portraits de plus de 50 de ses victimes. Capture 60 minutes Overtime/CBS
Le tueur en série réalisera les portraits de plus de 50 de ses victimes. Capture 60 minutes Overtime/CBS  

L’interrogatoire commence mal. Little hurle, s’énerve, crache vertement sur les méthodes des inspecteurs. James Holland adopte alors un ton amical, flatte l’ego du tueur, instaure un dialogue. Dans une interview accordée à la chaîne américaine CBS, le ranger assure que Little déteste être qualifié de violeur, mais qu’il se reconnaît dans le terme de tueur. Deux heures suffisent à ce que le criminel, naguère taiseux, avoue de multiples meurtres. Le duo scelle un pacte : Little sera transféré dans une prison texane, plus supportable que son établissement californien, fournaise surpeuplée. En échange, il devra livrer tous ses secrets.

Six mois et 700 heures d’entretien plus tard, le tueur a déjà confessé plus de 80 meurtres. A 79 ans, il se souvient de la quasi-totalité d’entre eux avec une extraordinaire précision. Sa mémoire photographique lui a permis de réaliser, à la demande du ranger, les portraits de plus de 50 de ses victimes. Des femmes blondes, brunes ou rousses, de toutes les couleurs de peau, aux airs préoccupés, pensif ou souriant.

Little note parfois quelques mots à côté des visages. Comme cette phrase, glaçante : « Sam m’a tuée mais je l’aime ». Pour confronter ses dires à des affaires classées, des inspecteurs de l’Ohio, de l’Illinois, du Maryland ou du Kentucky le visitent. Le FBI juge ses aveux « crédibles ». A tel point qu’il lui a consacré une page Web ouverte au public. On peut y regarder cinq vidéos. Dans chacune d’elles, le tueur détaille l’apparence de sa victime et indique ce qu’il a fait de sa dépouille. Le schéma d’enquête s’inverse. On ne s’appuie plus sur des preuves pour obtenir des aveux. On part des aveux pour rechercher les corps.