Ces étrangers en France qui se passionnent pour la présidentielle

En France, quelque 4,2 millions d’habitants sont de nationalité étrangère (Insee, 2014). S’ils n’ont pas le droit vote, ils ne demeurent pourtant pas indifférents à la campagne électorale française qui se déroule et ont un avis bien arrêté sur cette course folle à l’Elysée.

Certains sont en France depuis deux ou trois ans, d’autres depuis quelques décennies. S’ils ne peuvent exprimer leur choix dans les urnes, ces étrangers sont sensibles aux programmes des candidats cette année plus que d’ordinaire. Ils suivent de très près cette campagne électorale présidentielle sans pareil tant les rebondissements et les imprévus sont multiples.

Almouzadine est un Touareg du Niger. En France depuis deux ans, il attend le statut de réfugié politique. S’il ne parle ni ne comprend parfaitement le français, il passe ses soirées à suivre sur les chaines d’informations en continu les derniers rebondissements de la campagne. « Je suis socialiste et si je pouvais voter, je voterais Hamon au 1er tour…. Ah oui, j’aimerais tellement voter ! » Pour ce quarantenaire, c’est essentiel de suivre la politique du pays dans lequel on vit.

Siddharth, lui, est un étranger « de la génération Mitterrand », comme il se plait à dire. En France depuis 1982, cet Indien avoue porter un intérêt croissant à cette élection. « C’est une frustration de ne pas pouvoir voter car les enjeux sont de plus en plus importants. » Ce n’est pas Abed qui dira le contraire. En France depuis presque dix ans, ce jeune Syrien ne rate une miette de la campagne. « Pour être un bon Français c’est important de « participer » à la vie politique de son pays d’accueil », confie-t-il.

La France, leur second pays, est l’une des préoccupations de ces étrangers qui se sentent donc également Français puisqu’ils participent à la vie de l’Hexagone. « La place du pays dans le monde, c’est crucial », estime Siddharth.

La France avant tout !

Et comme pour nombre d’étrangers, la politique de la candidate du Front national inquiète. Pour autant, Yazan comme Abed ou Almouzadine pensent que les Français ne voteront pas pour Marine Le Pen. « Le Pen ne me fait pas peur, témoigne Yazan, en France c’est la loi qui compte et elle ne pourra pas tous nous renvoyer. » Et le jeune Palestinien de poursuivre : « Le sujet le plus important de cette élection, c’est la France ! » « On travaille ici, renchérit Abed, on paie des impôts, on est en règle avec nos papiers. » « Moi, je crains que si Marine Le Pen passe, je sois obligé de quitter la France », appréhende Mohammed, Marocain, qui explique que si le FN remporte la présidentielle, les mesures qu’il mettra en place pour, par exemple, l’embauche des étrangers, seront très contraignantes pour les entreprises et donc ces dernières n’embaucheront pas.

Siddharth tempère : pour lui, si le FN gagne, « on aura un nouveau Mai-68. La politique française, c’est des cycles. » Pandeli, Albanais de 74 ans en France depuis quatre ans, n’a pas non plus peur du résultat car la France « est une grande démocratie et je fais confiance au peuple qui vote ».

Voter « utile » ?

Tous ces étrangers ont suivi avec attention le dernier débat, ils en retiennent surtout la déclaration-choc du candidat Philippe Poutou (NPA) à l’encontre de Marine Le Pen et de François Fillon. « Il m’a vraiment plu, même si je voterais plutôt Hamon ou Mélenchon si je pouvais voter », raconte Abed. « Idéalement, j’aurais voté Poutou, explique Mohammed. Mais je me serais peut-être dit que c’est dangereux et qu’il vaut mieux voter utile, et alors je me serais reporté sur Mélenchon ou Macron. »

De son côté, Yasar, Palestinien exilé à Paris, voterait blanc, car « en regardant tous les candidats parler, il n’y en a aucun qui me satisfait et qui parle des vrais problèmes de la France, et d’abord de la montée des communautarismes. »

Quant à Maram, étudiante syrienne, elle avoue d’ordinaire ne pas trop s’intéresser à la politique, mais son cœur bat pour Emmanuel Macron. « Il est nouveau en politique, ses idées son innovantes, et puis il est jeune et très intéressant. » Et Siddharth de se souvenir avoir confié à un ami il y a quelques temps que Macron pourrait devenir un homme « important » du paysage politique français.

Si la politique franco-française intéresse prioritairement ces étrangers, ce n’est pas le cas de Maria. Cette jeune femme de 28 ans est Estonienne. Européenne convaincue, c’est la politique étrangère des candidats qui l’intéresse avant tout. Mais Mohammed regrette que « cette campagne devient hélas ridicule tant elle est entachée par les affaires. C’est dommage que les gens ne prennent pas leurs responsabilités. » Et cet étranger de regretter qu’on en oublie alors de parler programmes, projets etc. Au rang des « affaires », Pandeli s’amuse d’ailleurs à comparer les scandales de corruption français à ceux de son pays natal, l’Albanie.

Une chose semble sûre : la politique passionne les habitants de France, étrangers ou pas. Au point que Siddharth a décidé, en 2022 il votera !