Chez les proches des jihadistes de Paris: la stupeur, les larmes, la honte

Il s’affole: son frère Omar s’est-il vraiment fait exploser sauter au Bataclan après avoir tiré sur la foule? Deux journalistes l’ont déjà appelé… « C’est pas vrai », sanglote-t-il. Comme lui, les familles des jihadistes auteurs des attentats de Paris ont dû composer avec les ignominies de leurs proches.

Ce samedi 14 novembre, voilà près de 24 heures que ce père de famille de Bondoufle, dans la banlieue sud de la capitale française, est scotché devant les chaînes d’info en continu, sur lesquelles tournent en boucle les images des attaques de la veille.

Son frère Omar Mostefaï, dont il n’avait plus de nouvelles depuis des mois, a déjà été formellement identifié par les enquêteurs comme un des kamikazes du Bataclan. Son nom n’est pas encore sorti dans la presse, mais des journalistes traquent déjà son entourage.

« C’est un truc de fou, c’est du délire ! », murmure-t-il en retenant ses larmes. « Je peux appeler qui pour savoir exactement ? », demande-t-il à un journaliste de l’AFP.

Sa femme, effondrée, sort soudain du pavillon: « Moi, là, ça commence à m’inquiéter… »

Il l’interrompt: « Mais c’est bon, si ça se trouve il était dedans et il est mort ! »

« C’est quoi le rapport avec nous ? On est en froid depuis des années. Moi, je veux protéger mes enfants », poursuit-elle.

Le frère s’isole. Sa mère, au téléphone, ne semble au courant de rien. « Mais y’a rien, je te dis ! Vas-y, y’a rien du tout », lui lance-t-il avant de raccrocher. « J’ai pas envie de lui dire n’importe quoi et qu’elle ait une crise cardiaque… »

Il fait nuit noire. Dans quelques minutes, il se rendra de lui-même, avec sa femme, à la police, où il sera placé en garde à vue.

Aucune charge n’est retenue contre lui. Mais depuis, il se terre dans son pavillon, décor pendant des jours des duplex et des reportages de journalistes du monde entier. D’Omar Mostefaï, il ne fait plus qu’un commentaire: « C’est devenu un monstre… »

Comme pour lui, l’effroi s’est emparé depuis dix jours des parents, frères et soeurs des jihadistes.

Il y a ceux qui s’y attendaient, comme la mère de Bilal Hadfi, 20 ans, kamikaze du Stade de France, au nord de Paris, qui avait qualifié son fils de « cocotte-minute » quelques jours avant les attentats dans le quotidien La Libre Belgique. « J’avais l’impression qu’il allait exploser d’un jour à l’autre… »

D’autres gardaient espoir, comme la famille de Samy Amimour, qui tentait par tous les moyens de rapatrier cet ancien chauffeur d’autobus de 28 ans, parti en Syrie en 2013, mais qui s’est finalement fait exploser au Bataclan.

La famille d’Hasna Aïtboulahcen, elle, a choisi de se désolidariser « des faits et gestes » de la jeune femme, cousine du cerveau présumé des attentats, Abdelhamid Abaaoud, tuée avec lui lors de l’assaut de Saint-Denis, au nord de Paris.

« Nous n’avons rien à voir avec ces événements, ni de loin, ni de près », martèle son frère, contacté par l’AFP. « Nous n’allons pas nous justifier ».

Reste une problématique, à laquelle tous doivent faire face: pleurer un proche en dépit de ses atrocités.

« Nous pensons effectivement aux victimes, à leurs familles », avait ainsi déclaré Mohamed Abdeslam, frère de deux jihadistes — l’un s’est fait exploser après avoir tiré sur des terrasses de café, l’autre est devenu le fugitif le plus recherché d’Europe.

« Mais vous devez comprendre aussi que nous avons une maman, nous avons une famille, et que ça reste malgré tout son enfant », avait-il ajouté.

En début d’année, les frères Saïd et Chérif Kouachi et Amédy Coulibaly, auteurs des attentats de janvier à Paris, avaient été enterrés en pleine nuit ou au petit matin, en présence, pour deux d’entre eux, de quelques proches. Une sépulture anonyme.