Chronique du journaliste Bader : Compte à rebours, délices et épices

BADERMacky Sall a présidé, à l’adieu du mois de février de cette année, un Spécial Conseil des ministres. Il lui fallait donner des instructions fermes pour la tenue du référendum, qui, comme tous les évènements majeurs, continue de faire couler encre et salive. Ceux qui plaidaient le report sont ainsi fixés.

Le compte à rebours a donc commencé. Le Président a pris son courage à deux mains, malgré le fait de n’avoir pu respecter son engagement de réduire son mandat de sept à cinq ans.  Car, le pari est risqué, puisque dès l’annonce de sa résolution de se conformer à la «décision » du Conseil constitutionnel, les boucliers ont jailli de partout ; même dans le cercle de ses alliés. Parmi ceux sont décidés à voter et faire voter Non ce 20 mars, il y a aussi Abdoul Mbaye qui fut son premier chef de Gouvernement et une frange assez considérable de ladite société civile. Son acte qualifié de « reniement » a également entraîné des fissures dans sa mouvance.  Macky est ainsi à un tournant décisif de sa fulgurante et exceptionnelle carrière politique.

Les dès sont jetés. Si le Non l’emporte, le quatrième présidnt du Sénégal devra se résoudre à terminer dans deux ans un mandat en dents de scie, parce que ceux qui prévoient de lui contester la légitimité à  partir de l’année prochaine n’en seront que plus teigneux et motivés. Ensuite, avec les éléctions législatives en vue, on pourrait même assister à des crises institutionnelles, parce que l’opposition pourrait se retrouver majoritaire à l’Hémicycle. Ce qui serait un précédent très glissant, qui introduira des motions de censure dans notre lexique politique. Il est donc sûr que Macky Sall va se donner à fond, pour qu’il n’en soit pas ainsi.

La fin pourrait en conséquence justifier les moyens. Ce qui veut dire que le compte à  rebours sera également épicé pour les partisans du Non. Car, si le Oui l’emporte, ils étoufferont encore dans l’opposition ou la résignation pendant, très probablement, neuf ans ; puisque Macky sera assuré d’un deuxième mandat. Ainsi saints et démons vont se manifester les prochains jours sur toute l’étendue du territoire national. Ils sillonneront les artères des grandes villes comme les pistes sablonneuses ou chaotiques vers des patelins et hameaux du pays. Ce qui ne fera qu’agrémenter les repas des leaders, souteneurs, troubadours et griots. Ils aiment les délices, les plats épicés et arrosés.

Hélas, le « festin » se fera sur le dos du contribuable sénégalais, qui devra rendre son verdict, malgré le piment qu’on lui sert depuis « l’indépendance » du pays. En attendant, les électeurs pourront se consoler en regardant les « lutteurs », que sont « Oui » et « Non », jouer à se faire peur. Ont-ils d’ailleurs un autre choix ?
Alioune Badara DIALLO