Contribution de AMADOU BOCAR SAM sur la Catalogne : Nation déclarée indépendante en parallèle à l’application de l’article 155 de la Constitution Espagnole.

Certes, certains historiens et experts en relations internationales connaissent bien les relations historiques entre l’Espagne et la Catalogne avec l’Afrique mais avec le risque peut être de me tromper, je pense, que la majorité des africains/es méconnaissent que ces relations historiques sont tâchéés de crimes contre l’humanité à savoir la traite négrière même quand celle fut interdite.

 Evidemment, l’objet de cet article c’est  moins d‘ouvrir un débat sur cette étape noire de notre relation avec L’Espagne, mais surtout  susciter un espace de débat au sein de la communauté africaine qui vit en Catalogne et en Esapgne à la suite des événements comme la déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne  et la réponse du Gouvernement central avec l’article 155CE à la main.

 La conséquence immédiate fut la destitution d’un Gouvernement légitiment élu par le Parlement catalan. Cette situation inédite confronte les constitutionalistes catalans et espagnoles sur la constitutionalité et légalité de cette intervention  qui vulnére les droits fondamentaux en ayant l’aval d’un Senat  majoritairement favorable au gouvernement de   Mariano Rajoy qui préside un partit profondément touché par la corruption organisée largement médiatisée par un des cas “Gürtel” dont le principal chef d’orchestre est Luis Barcenas et  le blanchissement des biens mal acquis avec l’amnistie fiscale.

 Il faut aussi remarquer que cette intervention ne serait pas possible sans la complicité des partis dits constitutionalistes à la quête d’une position plus ou moins confortable en prévision de possibles élections avancées en Espagne en piétinant parfois leurs principes doctrinaux pour certains.

 Certains constitutionalistes estiment que cette application de l’article 155 CE vulnére d’autres articles de la même constitution entre autres, celui de 152 CE, qui établit que les Statuts d’autonomie seulement peuvent être modifiés que par les voies par lesquelles ils ont été établis.

Depuis le mois de septembre, avec l’organisation du référendum promu par le Parlement catalan en accord avec le mandat électoral des partis indépendantistes et nationalistes non accordé avec le Gouvernent central dirigé par le Parti populaire de tendance de droite qui gouverne avec le support des partis de l’orbite constitutionaliste, la Catalogne occupe jours après jours une place importante dans le débat politique au niveau européen même si on essaie d’aborder le cas comme une affaire interne espagnole.

La vérité est que avec la médiatisation de la situation, l’affaire du référendum catalan acquière une dimension géopolitique et alimente des prises de position certes en faveur de l’unité de l’Espagne mais, dans certains cas en se démarquant de l’usage de la forcé comme instrument dans un pays droit.

Cette projection internationale de la Catalogne culmine avec le référendum du premier octobre qui s’est déroulé avec toutes les difficultés sous l’intervention des forces de l’ordre espagnoles avec une brutalité sans discrimination sur des citoyens et citoyennes pacifiques qui voulaient exercer un droit légitime à savoir voter.

Cette nouvelle détérioration de relation entre la Catalogne et les Institutions centrales d’un côté et  la couronne  de l’autre après plus 39 de régime autonomique récupéré après la mort de Franco, vient  de très loin tel comme s’illustre dans le préambule du document de la réforme de son  Statut en 2006(La Catalogne s’est construite au fil du temps avec les apports d’énergies de plusieurs générations et de nombreuses traditions et cultures qui y ont trouvé une terre d’accueil. Le peuple de Catalogne a maintenu au cours des siècles une vocation constante de gouvernement autonome. Cette vocation s’est incarnée dans des institutions propres comme la Generalitat, créée en 1359 par les Corts de Cervera, et dans un ordonnancement juridique spécifique qui est consigné, parmi d’autres compilations de normes, dans les Constitutions i altères drets de Catalunya (Constitutions et autres droits de Catalogne). Après 1714, les institutions du gouvernement autonome ont fait l’objet de plusieurs tentatives de récupération. Cet itinéraire historique a été marqué par des événements importants, en particulier la Mancomunitat de 1914, la récupération de la Generalitat avec le Statut de 1932, le rétablissement de la Generalitat en 1977 et enfin le Statut de 1979, ce dernier étant né avec la démocratie, la Constitution de 1978 et l’État des autonomies.)

 La constitution de 1978 résultat de consensus de certaines forces politiques sous l’égide de la Couronne espagnole considérée pour certains comme la garante de stabilité, reconnaissait entre autres, l’organisation territoriale sous forme de communautés autonomes sous l’autorité centrale.

Pendant cette période et après, certaines communautés autonomes ont réussi à négocier des régimes spécifiques et préférentiels comme le Pays Basque espagnole, Navara avec un certain nombre privilèges et transfert de compétences.

 Dans cette optique, en 2006 sous l’égide le Gouvernement catalan la Loi organique nº 6/2006, du 19 juillet, de réforme du Statut d’autonomie de Catalogne est approuvé par l’Assemblée nationale espagnole.  Cette même reforme d’autonomie qui avait connu un processus participatif en Catalogne et adopté par l’Assemblée nationale espagnole a été l’objet de plusieurs recours et le plus emblématique fut celui du groupe parlementaire du parti populaire.

 Ces recours au niveau du Tribunal Constitutionnel donnent effet en imputant cette réforme d’importants articles qui laissent les catalans et leurs institutions, les partis nationalistes et indépendantistes indignés et les situent dans une dynamique de recherche d’un plébiscite à travers des élections anticipées en 2015.

Ce plébiscite n’a pas eu lieu comme on s’attendait, mais donne une majorité entre la coalition JxSi avec 60 députés et le partit anticapitaliste la CUP10 députés qui permettent d’assurer une majorité parlementaire et négocier un gouvernement autonomique avec un mandat entre autres priorités de remettre en agenda le programme du référendum d’autodétermination.

Devant cette situation politique en constante effervescence, les effets de la crise économique qui ont affecté durement les couches les plus vulnérables, amènent les citoyens et citoyennes à une prise de conscience politique car beaucoup de concepts et vocabulaires économico politiques deviennent objet de conversation et de débat à l’échelle communautaire sous l’influence du mouvement des indignés comme avant garde.

Dans une situation comme celle-là, les immigrés aussi comme partie importante de la population s’intéressent comme citoyens/nes[MDD1]  avec une lecture peut être pas politique en terme de prise de position, si non d’inquiétude des possibles conséquences à court et moyen terme tel comme ils en ont été cible durant la crise économique. Généralement, les prises de position des migrants sont canalisées à travers des associations comme espace de participation.

Au niveau catalán dans le cadre de la réforme de l’Statut de 2006 qui avait eu un caractère participatif, les associations de migrants avaient participé selon leur degré d’implication dans tissu associatif local.  Aujourd’hui les choses prennent une dimension importante et différente et nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d’ignorer ce qui se passe autour de nous.

 Ce serait une grave erreur et une attitude irresponsable de fermer les yeux comme si cela n’avait rien à voir avec nous. Certes collectivement nous n’allons pas nous positionner pour ou en contre, mais je pense aussi que nous ne devons pas non plus fuir le débat car nous y vivons et travaillons.

Comme communauté sénégalaise avec une présence officielle de plus 20.160 personnes, nous représentons une part importante de cette immigration africaine qui tourne autour de 288.265 personnes et somme une référence dans ce pays ou région selon les goûts. Malgré la préoccupation que cela généré surtout pour ce qui suit la situation de loin à travers les medias, à la date d’aujourd’hui nous vaquons à nos occupations au quotidien.

Modestement, je pense aussi qu’il nous revient la responsabilité d’impulser la réflexion sur ces questions et d’autres qui concernent notre futur et celui de nos enfants si toutefois nous ne prenons pas le chemin de retour devant la complexité des situations. Et nous sommes très loin de cette situation de chaos comme le veut vendre une certaine presse.

 Devant de pareille situation l’homme par nature tend à chercher une protection. Chose naturelle et légitime au niveau individuel et même collectif parfois. Comme que notre dignité ne nous permettra pas de faire le ridicule en prenant collectivement la poudre d’estampée à la première difficulté, la responsabilité nous interpelle sereinement de fuir de toute possible instrumentalisation et agir en conséquence en tenant en compte nos intérêts et en ayant toujours présent à l’esprit le cadre communautaire dans lequel nous vivons. Ce cri d’alerte interpelle aussi les autorités diplomatiques de nos pays en termes de préoccupation de la situation de leurs concitoyens et concitoyennes.

 Amadou Bocar Sam