Effet Paravent Ou Diversion ! Par Abdoulaye Thiam

L’effet paravent, nous enseigne-t-on dans les écoles de communication, consiste à mettre sur la scène médiatique un événement, une information, un fait divers afin que l’opinion publique s’y accroche et l’amplifie. Le but est de camoufler, aux regards des critiques, des incidents beaucoup plus importants mais, de par leur degré de sensibilité, on préfère les cacher. On peut citer, entre autres exemples dans le monde, l’affaire Monica Lewinsky et l’ancien Président des Etats-Unis Bill Clinton en 1998. Une pseudo affaire qui a été amplifiée par le procureur Kenneth Star pendant que des tomawaks américains s’abattaient sur l’Irak. L’objectif recherché était visiblement de baliser la voie à Bush fils pour envahir ce pays avec, pour la première fois dans l’histoire, la bénédiction de l’ONU.
L’Amérique a utilisé cette même stratégie de diversion pour l’invasion de Panama. Il fallait pour réussir ce coup, pousser les médias du monde entier à suivre la «révolution» roumaine de Nicolae Ceau?escu, en 1989.

Au Sénégal, les exemples font légion. De Léopold Senghor à Abdoulaye Wade, en passant par Abdou Diouf, l’Etat et ses démembrements ont toujours su user de cette stratégie de communication pour détourner l’opinion publique, via les médias, des questions essentielles.

Lors de la CAN au Caire en 1986, la défaite des Lions était tellement amère que l’Etat s’est senti obligé de distiller une rumeur selon laquelle, le Sénégal était finalement qualifié.

Actuellement, face à la grande offensive d’Idrissa Seck qui fait feu de tout bois sur l’élargissement de Karim Wade qu’il a qualifié de «deal international», l’Etat a su trouver aux médias deux sujets. D’abord, il fallait réchauffer le «protocole de Rebeuss», mais aussi maintenir l’arrestation de Boy Djinné de son vrai nom, Baye Modou Fall, au devant de l’actualité.

Le Garde des Sceaux, ministre de la justice s’est même permis des passes d’armes par presse interposée avec ce vulgaire délinquant, «un voleur, un cambrioleur, qui n’a ni métier, ni titre et encore moins de grade», pour reprendre quelques lignes d’un excellent papier de Théodora Sy Sambou, publié dans les colonnes de Sud Quotidien le 22 janvier 2016, intitulé «Boy Djinné… ou l’anti-héros».

La jeunesse sénégalaise mérite mieux comme divertissement que cette «légende» taillée sur mesure, ce «héros» populaire qu’on tente de lui fabriquer par sympathie, par compassion ou par admiration. Notre société regorge de jeunes pétris de talents qui font notre fierté. Exemple de ces trois étudiants qui ont été reçus au concours 2016 «Filière universitaire internationale» de l’école polytechnique de Paris (France). Aliou Bâ, Malick Bâ et Moustapha Samb, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, font partie des 13 candidats retenus à l’échelle internationale.

Que dire des jeunes filles de Mariama Bâ et des élèves du lycée Seydina Limamoulaye, qui rivalisent sur l’excellence ?

Quant à l’affaire du supposé ou réel protocole ou accord de Rebeuss, s’il mérite qu’on s’y attarde, ce n’est pas pour savoir ce qui s’est réellement passé. Je suis de ceux qui pensent que le «protocole de Rebeuss» restera une énigme aux allures des douze travaux d’Hercule. Tout comme le «protocole du Qatar».

Il suffit juste de se remémorer des déclarations de deux mandataires d’Abdoulaye Wade et d’Idrissa Seck d’alors pour s’en convaincre. Me Ousmane Sèye qui a soutenu dimanche dernier que le président de Rewmi s’était engagé à verser 21 milliards disait en mars 2013, que le protocole de Rebeuss n’existait pas, que c’était une création de la presse.
La sortie de Me Pape Sambaré Diop chez nos confrères de l’AS, qu’il estimait pourtant seul, à même de pouvoir lever l’équivoque, le confond davantage et l’étouffe dans sa robe.

Quant à Me Nafissatou Cissé, la décence nous empêche de revenir sur les mots qu’elle avait utilisés à l’époque pour répondre à celui qu’elle appelle désormais affectueusement «mon ami».

Mais entre temps, elle a quitté l’Orange de Idrissa Seck pour le Marron de Macky Sall. A son tour, Me Sèye et son mouvement pour la République, s’arriment à l’APR. Voilà que les discours changent, sans faire jaillir la lumière.
Toutefois, ce n’est pas ce qui importe aux Sénégalais. Les urgences sont ailleurs et non dans des deals de grands bandits qui tentent de tenir en otage un pays et de freiner son envol.

Cinquante six ans (56) ans après l’indépendance, le Sénégal est toujours malade de son élite, de ses hommes politiques, de ses dirigeants. Et avec l’hyper-présidentialisme, on est encore loin de voir le bout du tunnel. Les hommes vont passer mais les mêmes manœuvres resteront toujours. Ce ne sont ni les rapports de l’ARMP, de l’IGE, de la Cour des Comptes, du Centif encore moins de l’OFNAC qui arrêteront l’hémorragie.

sudonline.sn