France: condamné pour le détournement d’un voilier, l’ancien pirate Mohamed Mahamoud a purgé sa peine et demande l’asile.

Il n’avait jamais envisagé de quitter son pays, la Somalie, mais espère reconstruire sa vie en France: condamné pour le détournement d’un voilier, l’ancien pirate Mohamed Mahamoud a purgé sa peine et demande l’asile.

« A l’époque, j’avais des amis émigrés aux Etats-Unis ou ailleurs qui me disaient: Pourquoi tu ne viens pas nous rejoindre? Mais moi, ça ne me disait rien, je n’avais pas envie de quitter la Somalie », raconte M. Mahamoud, qui s’exprime dans un bon français et vit maintenant à Rédéné, près de Quimperlé (Finistère).

Dans son autre vie, cet homme grand et mince de 35 ans, aux gestes posés, était pêcheur dans le Puntland, dans le nord du pays, sur le golfe d’Aden: « J’ai commencé à treize ans. Dans ma famille, on n’a jamais fait autre chose. On pêchait au filet ou on posait des casiers pour les langoustes. J’adore la mer ».

Mais tout a basculé avec le tsunami de décembre 2004, une « catastrophe ». « Nous avons perdu le bateau familial. Et même la mer a changé. Ca a bousculé les fonds marins, on ne pêchait presque plus rien, on n’arrivait plus à en vivre ». Sans parler des Shebabs, ces milices islamistes installées aussi dans le Puntland semi-autonome, ni des déchets toxiques déversés frauduleusement dans les eaux somaliennes par des intermédiaires occidentaux qui ont profité de l’absence d’Etat dans ce pays dévasté par la guerre civile depuis 1991.

Le jeune homme vivote quelques années jusqu’à ce qu’il accepte la proposition d’embarquement d’un chef pirate.

Nous sommes en avril 2009. Ils sont cinq à partir en chasse en mer. Faute de meilleure proie, ils arraisonnent un voilier breton, le Tanit, qu’ils ramènent vers la terre avec ses passagers. Mais ils sont interceptés en mer par la Marine française. Le skipper du voilier est tué accidentellement par un militaire, ainsi que deux pirates. Les trois autres, qui n’ont pas fait usage de leurs armes, sont faits prisonniers, amenés en France et incarcérés.

Une BD sur son itinéraire

A l’issue du procès en assises à Rennes en octobre 2013, Mohamed Mahamoud est condamné à neuf ans de prison. Depuis mars dernier, il est libre, puisqu’il avait déjà purgé un tiers de sa peine avant le procès.

Sa demande d’asile a été rejetée une première fois et il a déposé un recours dont il attend le résultat. « Si la Somalie était stable, je retournerais. Mais ce n’est pas le cas ». Voilà pourquoi « je voudrais reconstruire ma vie ici en France », explique-t-il.

« Tant que je n’ai pas de papiers, je ne peux rien faire, même pas passer le permis de conduire (…) Dans ma tête, je suis toujours un peu prisonnier, je ne suis pas libre », ajoute-t-il.

Depuis son arrivée, l’ancien pirate a rencontré sur sa route plusieurs anges gardiens. Avant même son procès, il a été accueilli par les compagnons d’Emmaüs dans une communauté où il travaille toujours. Certains ont d’ailleurs témoigné en sa faveur aux assises.

Une bande dessinée consacrée à son itinéraire hors norme, « L’homme aux bras de mer », vient de paraître chez Futuropolis. « Il y a des gens extraordinaires autour de Mohamed », commente Simon Rochepeau, le scénariste de la BD, dont le travail visait aussi « à rendre hommage à tous ces gens de l’ombre, dans les associations, qui font un travail formidable au quotidien ».

Parmi ces anges gardiens, il y a Maryvonne Le Naour, militante à la Cimade. Avec son mari, cette femme dynamique, qui a fait carrière dans les assurances, soutient l’ancien pirate depuis le début. Elle est allée lui apprendre le français en prison. « Maryvonne, c’est comme ma mère », dit en souriant M. Mahamoud devant elle.

« Mohamed est quelqu’un d’intelligent, de mesuré. Il est foncièrement honnête. Il a droit à une deuxième chance », considère Simon Rochepeau.

Sur la vingtaine d’anciens pirates somaliens jugés en France, un seul a obtenu l’asile jusqu’à présent.