Gilets jaunes en France : Une nouvelle forme de contestation.Par Ibrahima Thiam

L’ actualité vient de mettre une nouvelle fois la capitale fran ç aise, sous les feux des projecteurs avec ce qui s ’ est passé au cours du week-end lors de la dix-huitième manifestation des « gilets jaunes ».

Si je souhaite en parler c ’ est pour dire les dangers d ’ un conflit social mal ma îtrisé . Petit rappel, tout a commencé en novembre 2018 lors de l ’ occupation de nombreux ronds-points sur les routes d é partementales fran ç aises par des é tudiants, artisans, salari é s et retrait é s, hommes et femmes confondus, d’âge variable. Celles-ci entendaient exprimer leur « ras- le-bol » à propos des augmentations r épété es des taxes sur les carburants et plus largement sur la baisse de leur pouvoir d ’achat.

Dans une d é mocratie, chacun a le droit d ’ exprimer son m é contentement, de manifester, surtout lorsqu ’ une cat é gorie de la population revendique plus de justice. Puis il y a eu en d é cembre dernier de grandes manifestations dans dif é rentes villes telles que Paris, Toulouse, Bordeaux, Nantes, etc. Et avec elles les premiers d é bordements, les afrontements souvent violents avec les policiers.

Chaque samedi, depuis lors a ét é marqu é , en particulier dans la capitale, par des d éfilé s, certains pacifiques, d ’ autres non. Ce samedi 16 mars la manifestation a plut ô t pris l ’ allure d ’ une insurrection, certains ont parlé « d ’é meute », de « guérilla urbaine » tant il est vrai que des casseurs ont d é truit et pillé de nombreuses boutiques et kiosques à journaux sur les Champs-Elys é es. Il y a eu de nombreux d é parts d ’ incendies dont celui d ’ une succursale bancaire au cours duquel des habitants ont é chapp é de peu à la mort. On a m ême entendu des « ultra-jaunes » comme on d é signe les gilets jaunes les plus radicalis és s’exclamer : « Il faut brûler les riches ! ».

De l ’ avis d ’ observateurs, jamais la France, même en mai 1968, n ’ avait connu de telles violences populaires depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et on a l ’ impression qu ’ une nouvelle guerre des classes renaissait alors qu ’ on la croyait enterr é e depuis la fin du communisme et la chute du mur de Berlin. ​

Aujourd ’ hui il est dificile d ’ estimer le coût de la facture é conomique et sociale : ré paration des d égâ ts aussi bien pour la ville de Paris que pour les commer ç ants, perte d ’ exploitation des commerces, ch ô mage technique pour de nombreux salari é s des Champs-Elys é es, etc. Bien sûr beaucoup de ceux qui é taient pr é sents samedi place de l ’ Etoile et sur l ’ avenue, é taient des casseurs professionnels appartenant à la mouvance de l ’ ultra-gauche et de l ’ ultra-droite, aux tristement c él èbres « black-block », et à une partie radicalis é e de « gilets jaunes » . Il n ’ en demeure pas moins que dans un Etat de droit, une d é mocratie comme la France on doit pouvoir r é gler les problèmes pacifiquement, autour d ’ une table de n é gociations avec le gouvernement.

Mais il faut croire que la somme des dificult é s non r é solues depuis plus de trente ans ne permet plus le dialogue et que les pouvoirs publics comme les pouvoirs interm é diaires ont perdu toute cr é dibilit é. « Seule la violence permet de se faire entendre et d ’ obtenir quelque chose » disent les manifestants. Cela doit nous faire r éflé chir car le S éné gal n ’ est pas à l’ abri de ce genre de situation. L ’ impatience d ’ une population, face aux in é galit é s, commence par gronder et à dé faut d’être entendue finit par se rebeller.

Et il devient alors très dificile de canaliser la colè re d’ une foule de manifestants qui estiment n ’ avoir plus rien à perdre. Le prochain gouvernement du Sénégal serait bien inspiré de tirer des enseignements de ce qui se passe en France s ’ il ne veut pas être confronté un jour à une situation semblable, ingouvernable, car les mêmes causes produisent toujours les mêmes efets. Une chose est sure, je ne voudrais pas que mon pays et mes concitoyens connaissent un tel climat insurrectionnel dont on ne sait jamais comment cela peut se terminer : par des morts ? l ’ instauration d ’un ré gime autoritaire ? Et pourtant la France est un grand pays, cinquième puissance mondiale. Celle-ci a toutefois ét é travers é e dans le passé par des convulsions r é volutionnaires, dont celle de 1789 sans oublier la Commune de Paris et sa semaine sanglante en 1871.

Il y a ainsi des ferments qui ne demandent qu’à ressurgir à certaines é poques, y compris l ’époque moderne et nulle nation n ’est à l’ abri de troubles sociaux qui peuvent d égéné rer en insurrection populaire.

La conclusion à tirer​ des év ènements insurrectionnels de Paris c ’ est que la violence ne mè ne à rien dans une d é mocratie sauf à la dé solation. Seuls le dialogue et le d é bat d ’idé es permettent de d é bloquer une situation.

Nous n ’emp êcherons pas certains individus, plus radicaux de privil é gier leurs poings à la parole, de vouloir d é truire, piller, casser telles les hordes d ’ anciens barbares, mais ces gens, une infime minorit é , sont la lie d ’ une soci ét é civilisé e et il faut les empêcher de nuire gr âce à l’ arsenal l é gislatif dont dispose l é gitimement le pouvoir d é mocratiquement é lu. Il en a le devoir car le droit à la sécurit é est un droit essentiel des peuples. En é crivant cela je pense à ce que disait Einstein : « Deux choses sont infinies, l ’ univers et la bêtise humaine. Mais pour l ’ univers, je ne suis pas encore complètement sû r ».

Ibrahima Thiam , Président d’un AUTRE AVENIR