«Jungle» de Calais: évacuation retardée, la Belgique sur ses gardes

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Dans la matinée, la juge Valérie Quemener (c) s’est rendue au Centre d’accueil provisoire (CAP), où sont hébergés 1.200 migrants dans des conteneurs chauffés.REUTERS/Stringer

C’est un sursis pour quelque 4 000 migrants de Calais : la partie sud de la « jungle » n’a pas été évacuée mardi. C’était pourtant l’ultimatum fixé par l’Etat français, la justice en a décidé autrement. Le tribunal administratif de Lille devait statuer aujourd’hui sur un référé introduit par plusieurs associations, mais la juge rendra sa décision mercredi au plus tôt. Pour faire face à un éventuel afflux de migrants quittant le camp, la Belgique a rétabli le contrôle de sa frontière avec la France.

Envoyée spéciale Rfi

Les associations l’attendaient depuis vendredi dernier, date de leur recours devant le tribunal administratif de Lille, mais elles devront patienter encore un peu. La juge des référés souhaite se donner le temps de la réflexion, a fait savoir le tribunal, sans toutefois donner plus de précisions.

C’est en tout cas un répit supplémentaire pour les migrants, car tant que la justice n’a pas tranché, l’Etat ne peut mener à bien l’évacuation initialement prévue ce mardi soir.

C’est un point positif, relèvent les associations, car après la venue de la juge dans la jungle de Calais ce mardi matin, ce temps réglementaire, ajoute-t-elle, c’est une preuve de plus de l’intérêt que porte la justice à la situation des migrants de Calais.

De leur côté, les autorités françaises se montrent confiantes. Nous ne sommes pas à trois jours près, affirme le ministère de l’Intérieur, qui promet de rester sur la même logique que ces dix derniers jours.

Les maraudes menées par les services de la préfecture pour inciter les migrants à rejoindre les centres d’hébergement vont donc se poursuivre même si jusqu’à maintenant, elles semblent ne pas avoir convaincu grand monde.

Les migrants plus libres dans la « jungle »

Les migrants campant dans la partie sud de la «jungle» de Calais ont gagné un peu de répit mardi.REUTERS/Pascal Rossignol

Au moins quelques heures de répit supplémentaire donc pour les migrants campant dans la partie sud de la « jungle » et qui semblent bien décidés à ne pas quitter les lieux.

L’évacuation, Abdoul Khan et ses amis ne veulent pas en entendre parler. Ils habitent dans le sud du camp et redoutent de devoir quitter les lieux. « Si nous n’avons pas le choix, s’ils emploient la force, alors on sera obligé de partir. Mais on va se battre, pour que nos droits soient reconnus. Si la justice nous autorise à vivre ici, alors on restera ici », affirme-t-il.

En attendant la décision de la justice, le groupe d’hommes profite d’un rayon de soleil pour entamer une partie de cartes dehors. A quelques mètres de là se dressent les containers du centre d’hébergement provisoire de Calais. Un endroit où Abdoul ne souhaite pas mettre les pieds. « La ‘jungle’, c’est le seul endroit où tu peux vivre comme tu l’entends. On peut aller et venir, tenter de passer en Angleterre. Mais dans ces centres, c’est difficile de sortir pour essayer de passer », explique-t-il.

Ahmed Kader est afghan. Lui aussi refuse de voir l’Etat évacuer cette partie de la jungle, mais pour une raison un peu surprenante : « Pendant mon premier mois ici, on avait un terrain sur lequel on pouvait jouer au foot. Mais maintenant, c’est terminé, la police nous interdit d’y accéder. Depuis, nous n’avons plus que la bibliothèque pour nous amuser. S’ils rasent cet endroit aussi, alors nous n’aurons plus d’endroits où jouer. Donc on ne veut pas. »

Une légèreté qui n’a en fait rien d’étonnant lorsqu’au fil de la discussion, Ahmed, jeune homme plein d’assurance, confie n’avoir que 14 ans. Il vit ici avec son petit frère, et depuis cinq mois les deux adolescents attendent de rejoindre leurs parents au Royaume-Uni.


La Belgique rétablit ses contrôles à la frontière française

Conséquence du possible démantèlement d’une partie de la jungle de Calais, la Belgique, qui craint un afflux de migrants, a annoncé le rétablissement temporaire de ses contrôles à la frontière avec la France.

En tout cas, pour les Belges cette attente du démantèlement ne changera pas grand-chose. Des réfugiés sont déjà sur les routes, et on a pu sentir la crainte dans le ton du ministre belge de l’Intérieur d’être en quelque sorte pris de court et submergé par des arrivées massives de migrants d’autant plus que la saison touristique approche.

Il n’y a pas eu d’avertissement, mais plutôt une mise devant le fait accompli. Le ministre belge a dit texto à la Commision européenne que la Belgique, son pays, déroge aux accords de Schengen, les accords de libre circulation des citoyens. La Norvège, la Suède l’ont fait avant lui.

Outre l’intérêt politique à se montrer ferme et à vouloir renforcer les contrôles, la Belgique veut à tout prix éviter une espèce de « copier-coller du camp » sur ces terres. De retrouver des tentes et des campements sauvages aux abords de ses ports commerciaux avec des bateaux qui partent vers la Grande-Bretagne.

Une migration de transit

Près de 250 policiers ont effectué des rondes sur son territoire. Il y a eu trente arrestations et toutes, assure le ministre belge de l’Intérieur concerne des migrants qui ne sont pas intéressés par la Belgique, mais par l’Angleterre.

Une migration de transit et non pas d’asile. Une manière plus douce de signifier aux Belges qu’évacuation ou pas du camp de Calais, les Syriens, les Kurdes ou les Irakiens, qu’ils verront sur les images à la télévision tenter de passer en Belgique, ne veulent pas y rester et surtout pas leur voler leurs emplois.