Le sommet COP27 sur le climat éclipsé par la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine

Le début du sommet des Nations unies sur le climat COP27, qui se tient à Sharm el-Sheikh, en Égypte, a été éclipsé par la volonté d’accroître la production de pétrole et de gaz naturel aux États-Unis et en Europe suite à la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Depuis le début de la guerre, le gouvernement Biden en particulier s’est engagé à livrer des dizaines de milliards de mètres cubes de gaz naturel à l’Europe, ce qui entraînera une augmentation correspondante des émissions de gaz à effet de serre. Cela met à nu ses prétentions en matière d’écologie et celles du gouvernement américain dans son ensemble.

Comme on le sait depuis des décennies et cela a de nouveau été clairement montré lors du dernier Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, il est urgent de réduire la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère pour atténuer et inverser le réchauffement climatique. Des milliers de travailleurs et de paysans meurent et des millions sont déplacés chaque année dans le monde, en particulier dans les régions les plus pauvres, en raison des émissions plus ou moins sans contrôle de dioxyde de carbone et de méthane dans l’atmosphère, alors que trusts et nations du monde entier se font concurrence pour la domination mondiale.

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak s’exprime lors du Sommet des Nations Unies sur le climat COP27, à Charm el-Cheikh, en Égypte, le lundi 7 novembre 2022. [AP Photo/Nariman El -Mofty ] [AP Photo/Nariman El-Mofty]

Les inondations colossales qui ont commencé dans tout le Pakistan en juin sont parmi les manifestations les plus avancées de la crise climatique. Des torrents d’eau provenant de la fonte des glaciers dans l’Himalaya et de pluies exceptionnellement fortes ont tué au moins 1700, blessé plus de 12 000 et déplacé au moins 33 millions de personnes.

Les modèles climatiques prédisent que de telles catastrophes deviendront de plus en plus fréquentes si la tendance actuelle au réchauffement se poursuit. Et les inondations, les ouragans, les incendies de forêt, les vortex polaires et d’autres formes de conditions météorologiques extrêmes sont connus pour être les précurseurs de catastrophes encore plus meurtrières induites par le climat.

Mais aucune de ces questions n’est sérieusement abordée à la COP27. Il y a eu de nombreux discours de diverses personnalités, y compris de chefs d’État, appelant à la «justice climatique», terme-code pour un financement accru pour lutter contre les effets du changement climatique dans les pays en développement. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a averti que le monde était sur « l’autoroute vers l’enfer climatique avec le pied sur l’accélérateur ».

Mais comme pour tous les précédents sommets sur le climat, de la COP26 à Glasgow l’an dernier au protocole de Kyoto en 1997, en passant par l’accord de Paris en 2015, aucun des différents discours et accords ne traite de la cause sous-jacente de la crise climatique: le capitalisme et la poursuite du profit privé.

La guerre en cours en Ukraine est un exemple de ce processus. Un jour seulement après que l’armée russe n’eut été provoquée à envahir l’Ukraine, un groupe de pression américain sur le gaz naturel liquéfié (GNL), appelé LNG Allies, a écrit une lettre au gouvernement Biden, exigeant au moins 300 millions de dollars pour de nouvelles infrastructures en vue d’établir « des gazoducs transatlantiques » et pour soutenir la production nationale.

La lettre appelait également le ministère de l’Énergie à « approuver immédiatement » les demandes d’exportation de GNL sous prétexte d’aider à prévenir « l’insécurité énergétique » en Europe. Le gouvernement a agi rapidement, approuvant deux licences en mars et deux autres en avril. Il notait alors qu’il s’attendait à ce que les exportations américaines de ce produit augmentent de 20 pour cent d’ici la fin de 2022.

Ces changements ont été parallèles à l’annonce par Biden et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, que les États-Unis fourniraient 15 milliards de mètres cubes supplémentaires de GNL en 2022 pour aider à « mettre fin à la dépendance [de l’Union européenne] vis-à-vis des combustibles fossiles russes ». Selon un article du Bulletin of Atomic Scientists, environ la moitié de la production de gaz des États-Unis sera destinée à l’exportation lorsque les projets d’infrastructure en cours pour les combustibles fossiles seront achevés.

Cela a engendré une manne financière pour les compagnies gazières. Cheniere, qui est basée à Houston, au Texas, a jusqu’à présent augmenté ses bénéfices de 3,8 milliards de dollars cette année. Sempra, qui fournit du gaz naturel à près de 40 millions de personnes en Californie, au Texas et au Mexique, a vu sa valeur boursière grimper de plus de 25 pour cent dans les semaines qui ont suivi le début de la guerre.

Les armées elles-mêmes sont aussi d’immenses émetteurs de gaz à effet de serre. Un rapport de l’Université de Boston publié en 2019 intitulé « Pentagon Fuel Use, Climate Change, and the Costs of War » par Neta Crawford, codirectrice du projet Costs of War (les Coûts de la guerre), a révélé que l’armée américaine était parmi les plus gros pollueurs au monde, émettant plus de gaz à effet de serre que des pays entiers comme la Suède et le Danemark. Il a explicitement noté que les guerres en Afghanistan, au Pakistan, en Irak et en Syrie ont répandu au moins 400 millions de tonnes métriques de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, soit environ un tiers du total répandu par le Pentagone depuis 2001.

Cependant, aucun de ces faits n’a été abordé lors de la COP27. Au contraire, le président ukrainien Volodymyr Zelensky y a lancé une diatribe contre la Russie, affirmant que « les actions russes délibérées » avaient « provoqué une crise énergétique qui a forcé des dizaines de pays à relancer la production d’électricité au charbon ». Il a poursuivi, se référant de nouveau à la Russie : « Il y en a encore beaucoup pour qui le changement climatique n’est que de la rhétorique ou du marketing, pas une action réelle ».

En réalité, aucun gouvernement, de l’Ukraine aux États-Unis en passant par la Russie, n’a de plan d’«action réelle» pour faire face au changement climatique. Des estimations récentes suggèrent qu’il faut 100 milliards de dollars chaque année pour inverser le réchauffement climatique, un chiffre jamais atteint. Pourtant, des dizaines de milliards de dollars ont été fournis pour financer l’achat par l’armée ukrainienne d’armes de pointe aux États-Unis et à leurs alliés, nécessaires pour combattre la Russie, sans oublier les milliers de milliards utilisés à renflouer les banques et les trusts américains depuis 2008.

Ces sommes stupéfiantes dépensées pour la guerre et les renflouements n’ont pas empêché John Kerry, ex-candidat démocrate à la présidentielle et actuel envoyé spécial pour le climat de Biden, de déclarer mardi « qu’aucun gouvernement au monde n’a assez d’argent pour affecter la transition ». Il a poursuivi: « L’entité qui pourrait le plus aider est le secteur privé avec un cadre convenable ».

Kerry exprime en deux phrases l’orientation de tout l’ordre social capitaliste. Il n’y a pas d’argent pour faire face aux vastes problèmes sociaux pressants de l’heure – changement climatique, inégalités sociales, COVID-19 – mais pour la guerre et l’enrichissement de l’oligarchie financière les sommes sont inépuisables. Et toutes les initiatives mises en place pour traiter ostensiblement ces problèmes doivent être subordonnées au profit privé.

(Article paru en anglais le 9 novembre 2022)

Bryan Dyne