L’Europe face à la montée des partis anti-migrants

INFOGRAPHIE – De la Suède à l’Italie en passant par l’Allemagne, la vague migratoire massive et la menace islamiste font progresser les partis populistes.

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Les électeurs ont une humeur changeante et si les politiciens en place ne répondent pas à leurs attentes, ils vont voir ailleurs. La loi est implacable. Les années de récession et de crise de l’euro l’avaient montré avec l’alternance, rejetant dans la minorité la plupart des responsables politiques du Vieux Continent – à la notable exception d’Angela Merkel. Le choc est encore plus rude, après dix mois de déconfiture collective face à l’exode des réfugiés et des migrants. De la droite à la gauche, les partis traditionnels luttent désormais pour leur survie. Et c’est au tour de la chancelière de subir l’assaut.

Populistes? Extrémistes? Xénophobes? Anti-establishment? Démagogues? Les mots peinent à décrire ceux qui tirent les fils d’un dynamitage qui secoue les classes politiques, jusqu’aux États-Unis avec les outrances de Donald Trump côté républicain. En Europe, les profils sont aussi contrastés, de la renaissance de la Ligue du Nord en Italie à la progression foudroyante de Pegida, mouvement islamophobe qui prévoit de manifester samedi dans 14 pays, deux ans après son lancement à Dresde. Ou encore de Marine Le Pen, opposante tous azimuts, à Viktor Orban, solidement installé dans son fauteuil de chef du gouvernement hongrois.

Mais tous gagnent dans l’opinion, avec la même alchimie détonante. D’un côté, la peur, nourrie par le terrorisme, l’islamisme et le déferlement de plus d’un million de nouveaux venus à travers la route des Balkans. De l’autre, la contestation d’élites politiques jugées aussi incapables qu’indifférentes, et le rejet de leur entreprise la plus ambitieuse: soixante ans de construction européenne.

«Dans la crise de l’euro, ce sont les marchés qui ont imposé la marche à suivre aux gouvernants. Dans la crise des réfugiés, c’est à la fois plus grave et plus simple, constate l’eurodéputé Alain Lamassoure (les Républicains): aujourd’hui, ce sont les électeurs qui dictent leur loi» à la face des partis.

Les images du chaos migratoire dans les îles de la mer Égée, suivies du carnage du 13 novembre à Paris, ont bien servi la propagande. L’hostilité aux migrants n’a rien de nouveau en Europe, mais il y a dix ans à peine, elle semblait avoir été évacuée. En Allemagne l’AfD, récente incarnation de l’extrême droite, semblait proche de l’extinction l’année dernière. Aujourd’hui sa patronne, Frauke Petry, fait scandale en affirmant que la police devrait «si nécessaire se servir de ses armes» pour protéger les frontières de la République fédérale. Le parti est désormais le troisième du pays, d’après les sondages. Devant les Verts. Devant la Gauche radicale.

Séisme en Suède

La paisible Suède, championne du monde de l’asile, illustre le séisme. Le parti des Démocrates suédois, issu de la mouvance fasciste, drainait péniblement 2 ou 3 % des votes avant 2010. Depuis, il est entré au Parlement et a arraché près de 13 % des voix aux dernières législatives. Il dénonce l’immigration comme une menace sur l’identité nationale et gagne en adhésion, quand 15 % de la population suédoise est née hors des frontières. L’arrivée de 163.000 demandeurs d’asile a fait monter sa cote en flèche. Les derniers sondages le mettent à au moins 20 %. C’est le deuxième parti du pays et la survie du premier ministre social-démocrate, Stefan Löfven, dépend de son accord tacite.

Dans le nord de l’Europe, c’est loin d’être une exception. Aux Pays-Bas, le Parti pour la liberté de Geert Wilders (PVV) fait à nouveau jeu en tête depuis qu’il est revenu à sa vieille cible, l’islam, plutôt que l’euro. Au Danemark, le sort du gouvernement libéral de Lars Lokke Rasmussen dépend depuis huit mois de l’appui du Parti populaire (DF), formation que son chef, Kristian Thulesen Dahl, décrit ouvertement comme «antimusulmane».

Les forces montantes du populisme scandinave ont partout le vent en poupe, mais elles ont aussi de bonnes raisons de se méfier de l’exercice réel du pouvoir: leur cousin, le parti des Finlandais, a vu son soutien fondre de moitié dans les sondages depuis qu’il est entré, l’an dernier, dans le gouvernement du centriste de Juha Sipilä. C’est l’épreuve des responsabilités. En Europe centrale, les options les plus radicales n’ont pas été dictées par des francs-tireurs, mais bien décidées par les équipes en place. Le Hongrois Viktor Orban, aux commandes depuis 2010, a été le plus loin pour stopper la vague des arrivants: il a dressé une clôture à la frontière et sa popularité remonte vers les sommets. En Pologne, le retour au pouvoir du parti Droit et Justice de Jaroslaw Kaczynski (PiS) scelle aussi le sort du seul palliatif décidé à Vingt-huit: un partage équitable des réfugiés entre Européens.

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