Migrants : Paris cède six bateaux de garde-côtes à Tripoli


Les organisations humanitaires dénoncent la vulnérabilité croissante des migrants en Libye due à la montée en puissance des gardes-côtes du pays.

Dans un geste inédit, la France a annoncé « la cession » à la Libye de six bateaux « pour la marine libyenne », lors du point presse hebdomadaire du ministère des armées, jeudi 21 février, sans autre précision. Le cabinet de la ministre, Florence Parly, a indiqué au Monde avoir communiqué cette décision à Faïez Sarraj, chef du gouvernement d’« union nationale » – soutenu par la communauté internationale mais dont l’autorité se limite à la Tripolitaine (ouest) – à l’occasion d’une entrevue, samedi 16 février, en marge de la conférence de Munich sur la sécurité.

Selon Paris, ces hors-bord sont destinés à renforcer la flotte des gardes-côtes libyens, notamment en matière de lutte contre l’émigration clandestine et le terrorisme. Une telle initiative française sans précédent – l’Italie était jusque-là le seul Etat européen à équiper les gardes-côtes de Tripoli – ne devrait pas manquer de nourrir la controverse en raison des violences que subissent les migrants interceptés en mer.

« Conditions abjectes »

« Il s’agit d’un pas supplémentaire dans la coopération européenne avec la Libye pour renforcer le contrôle de sa frontière au prix de conditions de détention abjectes pour les migrants », dénonce Michaël Neuman, directeur d’études chez MSF-Crash(Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires).

Les six bateaux en passe d’être cédés à Tripoli sont des embarcations pneumatiques semi-rigides de type militaire dites « Rafale », longues de douze mètres. L’entreprise Sillinger, qui les construit, doit d’abord les livrer à la marine française à Toulon en trois lots de deux entre mai et novembre. Il s’agit de bateaux qui ont été commandés à Sillinger par la France et seront livrés à la marine française à Toulon, et que la France cédera ensuite à son homologue.

Ce chantier, spécialisé dans les semi-rigides à usage militaire, équipe notamment des forces spéciales. Les bateaux livrés à Tripoli ne seront toutefois dotés d’aucun accessoire particulier, outre un GPS et un radar. Ils ne seront notamment pas équipés de supports permettant aux Libyens d’y placer des armes lourdes de type mortier ou canon. Ces embarcations pneumatiques sont vouées à faciliter le transfert et le débarquement des migrants interceptés en mer. Lire aussi : En Libye, « la difficulté de contrôler les réseaux de passeurs tient au chaos »

La Libye disposerait déjà de huit vedettes rapides « grises » de seize mètres, selon Flottes de combat, qui les attribue à la marine nationale. Avec son geste, la France apporte ainsi sa – modeste – pierre à une coopération jusque-là dominée par l’Italie, laquelle était engagée auprès de Tripoli en vertu d’un accord bilatéral remontant à 2008 sous le régime de Mouammar Kadhafi. La révolution de 2011, durant laquelle des bâtiments ont été endommagés, avait perturbé l’exécution de cet accord.

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