Qui est Édouard Philippe, nommé Premier ministre par Macron ?

Le président de la République Emmanuel Macron a nommé ce lundi son Premier ministre : Édouard Philippe, député-maire Les Républicains (LR) du Havre, âgé de 46 ans. Ce dernier est un des proches conseillers d’Alain Juppé.

À peine plus âgé qu’Emmanuel Macron, Édouard Philippe, député-maire Les Républicains (LR) du Havre et soutien d’Alain Juppé, est désormais Premier ministre. Né à Rouen (Seine-Maritime) en 1970, il est le fils de deux professeurs de français.

Il a passé son bac à Bonn, en Allemagne, où son père avait été muté. Il a ensuite fait une année d’hypokhâgne, trois ans à Sciences Po, puis deux ans à l’ENA. Sa carrière politique débute en 1997 au Conseil d’État. Militant du Parti socialiste, il a soutenu Michel Rocard pendant deux ans, avant de se rapprocher de la droite.

Proche d’Alain Juppé

En 2002, Alain Juppé lui propose de participer à la fondation de l’UMP, alors âgé de 31 ans, il y occupera les fonctions de directeur général des services pendant deux ans, le temps d’apprendre les rouages politique à grande échelle. Discret sur sa vie privée, cet homme de 46 ans, marié et père de trois enfants, n’a jamais exercé de fonctions au sein d’un gouvernement.

Lorsque le maire de Bordeaux est condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, ce dernier rejoint le secteur privé, explique France info. Puis, trois ans plus tard, il intègre le cabinet d’Alain Juppé, alors nommé ministre de l’Écologie de François Fillon sous Sarkozy. Aurore Bergé, ancienne membre de l’équipe de campagne d’Alain Juppé, déclare dans un entretien à Challenges : « Ils ont une très grande confiance réciproque et se ressemblent sur de nombreux points : leur intelligence, leur culture, leur vision de la société ».

Peu connu du grand public

En mars dernier, il quitte l’équipe de campagne de François Fillon suite au Penelopegate. Il avait alors lancé « la parole donnée ça a un sens », s’attirant les foudres des fillonistes. Rigoureux, ce dernier a renoncé à se présenter aux élections législatives de 2017, pour respecter la loi sur le cumul des mandats.

Favori du poste de Premier ministre depuis plusieurs jours, et peu connu du grand public, il a pris la succession d’Antoine Rufenacht en 2010 au Havre, avant d’être réélu dès le premier tour en 2014.

Depuis la mort de son père, Édouard Philippe s’est mis à la boxe et s’entraîne désormais trois heures par semaine. « Ça le défoule. Il y va très tôt le matin et n’aime pas rater un entraînement », raconte un de ses proches. Son entraîneur ? Le même que l’ex-champion de kick-boxing, Jérôme Le Banner, rapporte LCI. « Je rends un peu des coups, j’en donne aussi. J’apprends beaucoup. Vous savez, c’est un sport qui rend humble ».

Ce discret est aussi capable de coups d’éclat. Le 27 septembre 2015, il avait ainsi traversé à la nage le bassin de commerce du Havre dans les deux sens, dans une eau à 16°C, résultat d’un pari sur la réunification des deux Normandie dans le cadre de la réforme des régions.

Auteur de deux romans policiers

Il est également l’auteur de deux romans policiers, qu’il a écrit avec Gilles Boyer. Dans le premier, intitulé Dans l’ombre, écrit avec Gilles Boyer, autre fidèle d’Alain Juppé, et publié en 2011, il raconte les désillusions du conseiller d’un candidat à l’Elysée, confronté aux soupçons de fraude qui entachent la victoire de son champion à la primaire.

Dans L’heure de vérité, à mi-chemin entre le roman policier et la politique fiction, écrit avec le même complice, il s’était déjà efforcé en 2007 de dévoiler les dessous impitoyables du monde politique.

Un talent également exercé dans Libération, quotidien de gauche, où il a tenu une chronique hebdomadaire de la campagne présidentielle. Il y croquait ainsi le 18 janvier 2017 Emmanuel Macron, « qui n’assume rien mais promet tout, avec la fougue d’un conquérant juvénile et le cynisme d’un vieux routier » : « Pour certains (…) il serait le fils naturel de Kennedy et de Mendès-France. On peut en douter. Le premier avait plus de charisme, le second plus de principes. »

Un docu « Édouard, mon pote de droite »

Il récuse aussi la comparaison avec Brutus, assassin de César, « qui désespère de voir la République dégénérer ». À ses yeux, Emmanuel Macron ressemble alors plus à un acteur mineur de l’histoire romaine, « Naevius Sutorius Macro, dit Macron, haut fonctionnaire devenu à la faveur d’une révolution de palais le conseiller de Tibère », qu’il finira également par assassiner.

Interrogé sur les critères devant guider Emmanuel Macron dans le choix d’un chef de gouvernement, François Hollande confiait peu avant de céder son bureau de l’Elysée à son ex-protégé : « Il doit avoir une grande confiance dans son Premier ministre, parce que c’est là que tout se joue. »

En 2014 et 2016, son « ami de gauche », le réalisateur Laurent Cibien, avec qui il était à l’école « juste après la terminale », le filme et réalise le documentaire Édouard, mon pote de droite.

Boutons de manchettes et chef d’orchestre

Invité de RTL mercredi dernier, son ami, Gilles Boyer déclarait « si j’étais président de la République, je le nommerais (NDLR – Édouard Philippe) Premier ministre ». Pour ce dernier, Édouard Philippe a « l’expérience » et « les épaules pour assumer cette fonction. »

Dans un portrait chinois publié en 2010 par Le Point, on apprend par ailleurs quelques détails insolites sur le nouveau Premier ministre. Par exemple, le fait qu’il soit un fervent collectionneur des boutons de manchettes, qu’il ait une peur bleue des dentistes et des requins et fan de Bruce Springsteen. Le job dont il rêvait ? Chef d’orchestre. « Malheureusement, je n’avais pas le talent pour cela », expliquait alors celui qui a suivi les classes horaires aménagées en musique au conservatoire de Rouen en primaire.

« Un réformateur issu de la droite humaniste, sociale »

Il est décrit par beaucoup comme un bosseur. « Pour avoir beaucoup travaillé avec lui, moi ce qui m’impressionne c’est sa faculté à ingurgiter, être capable à absorber très vite des dossiers très différents, les uns des autres », confie à BFMTV l’adjointe au maire au Havre et candidate à la succession d’Édouard Philippe, Agnès Firmin-Le Bodo.

Pour un de ses anciens camarades à l’ENA, le nouveau Premier ministre est Macron-compatible, « c’était un vrai centriste, drôle et sympathique, aussi bien avec des gens de gauche que de droite », explique-t-il à Challenges.

Aurore Bergé estime de son côté qu’Édouard Philippe est « un réformateur issu de la droite humaniste, sociale. La seule petite différence est sur le plan économique : Emmanuel Macron me paraît plus libéral que lui ».

« Je ne sais pas si vous avez lu cet été les chroniques d’Édouard Philippe dans Libération, qui étaient remarquables d’intelligence. (…) Ils ont énormément d’expérience malgré leur jeunesse. Si c’est lui, tant mieux », estimait de son côté Frédéric Mitterrand, invité ce lundi matin d’Audrey Crespo-Mara sur LCI.