La chronique du journaliste Bader : A quand l’Assemblée nationale des Sénégalais ?

Notre interrogation n’est pas moqueuse. Tout au contraire, elle est sérieuse et lucide. Ce sont les faits qui la posent.

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Car, si du temps colonial les « citoyens » des quatre communes du Sénégal (Saint-Louis, Gorée, Dakar et Rufisque), élisaient des députés, ceux-ci ne faisaient, essentiellement, qu’égayer la galerie au palais Bourbon. Ils étaient plus des instruments de la France que des députés des colonises mandataires.
Le Sénégal « indépendant », l’Assemblée nationale fera office de « chambre d’applaudissements » sous Senghor. Une anecdote raconte d’ailleurs que suite au décès d’une autorité, il avait demandé aux députés, qu’il rencontrait, d’observer une minute de silence en la mémoire du disparu. Senghor, dit-on, faillit piquer une crise cardiaque, en entendant des salves d’applaudissements répondre à sa demande. On pouvait accuser « l’analphabétisme ».

Mais, sous Abdou Diouf, qui lui avait succédé grâce au fameux « article 35 », l’Hémicycle s’affirmera comme un béni-oui-oui du « Parti-Etat », celui des socialistes ; l’opposition n’y étant insérée que par contrainte, stratégie et pour ornement démocratique. Une tendance qui sera plus vive sous le troisième président sénégalais, Me Abdoulaye Wade. S’il était appelé le « pape du sopi » et avait été élu au nom de cet espoir de changement, après vingt-six ans  d’opposition, ce leader du Parti démocratique sénégalais se sabordera, sans sourciller, le Parlement. Me Wade ressuscita même  le Sénat instauré par Abdou Diouf, qu’il avait pourtant dissout. Il lui fallait caser, comme celui-ci, sa clientèle politique ; ceci, sans se soucieux de ce que sa décision coûterait au contribuable sénégalais, fort essoufflé.
Aujourd’hui Macky Sall, qui dirigea l’Assemblée nationale sous son magistère, l’a remplacé. Mais si cet ancien Premier ministre du même Me Wade avait promis « une gouvernance sobre et vertueuse » ou encore « la patrie avant le parti », l’Assemblée nationale n’a pas encore de « députés du peuple ». Pour preuve, ils passent leur temps à des invectives crypto-personnelles, se dénigrent, s’insultent et se battent. Une situation inédite, qui oblige à repenser la délégation du pouvoir sous nos tropiques. « L’émergence », devenu le leitmotiv des nouvelles autorités, est à ce prix. Sinon, elle sera un slogan creux et démagogue.
Alioune Badara DIALLO

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