Au moins 2297 journalistes et professionnels des médias tués depuis 1990, selon le rapport de la FIJ.

ifj_logo_logo_11_f8f2d71fccLa Fédération internationale des journalistes (FIJ) publie aujourd’hui son 25e rapport sur les journalistes et les professionnels des médias tués depuis 1990 . Le rapport énumère les 2297 décès survenus en raison de la violence qui sévit dans le monde du journalisme. Il inclut également la liste des 112 professionnels tués en 2015. Quand la FIJ a commencé à publier ces rapports, le nombre de tués était inférieur à 100. Après 11 ans, la centaine de tués a été dépassée, atteignant son sommet en 2006, avec 155 meurtres de journalistes et de professionnels des médias. 2006 fut l’année la plus meurtrière enregistrée, selon les statistiques de la FIJ.

« Cette publication historique retrace la trajectoire de la crise de la sécurité dans le monde journalistique, et témoigne de la longue campagne menée par la FIJ contre l’impunité qui entoure les violences perpétrées contre les professionnels des médias », a déclaré Jim Boumelha, président de la FIJ. « Ces rapports annuels sont plus qu’une simple liste des noms de nos collègues tués. Ils constituent notre hommage à leur courage et au dernier sacrifice payé par les milliers d’entre eux qui ont perdu la vie alors qu’ils remplissaient leur mission d’informer et de responsabiliser le public ».

Le rapport de la FIJ indique que même si une large partie des meurtrescommis le sont dans des pays où sévissent guerres et conflits armés, que ce soit à travers des assassinats ciblés, des attentats à la bombe, des tirs croisés ou des enlèvements de plus en plus violents, les chiffres terribles révélés dans le rapport ne se justifient pas uniquement par cette cause.

« Il existe d’autres raisons, souvent éloignées des théâtres d’opérations, de cibler les journalistes dont beaucoup sont victimes de barons du crime organisé et de fonctionnaires corrompus, » indique Anthony Bellanger, Secrétaire général de la FIJ, à l’aune du lancement de son premier rapport annuel sur les journalistes et les professionnels des médias tués, depuis sa nomination en novembre dernier. « Il s’agit d’une découverte récurrente dans nos rapports ; il y a beaucoup plus de journalistes tués en temps de paix que dans des pays dévastés par la guerre. »

Cette constatation est présente dans le top 10 des pays les plus dangereux du monde établi dans le rapport, et qui comprend des pays frappés par la guerre, l’effondrement de l’ordre public, le crime et la corruption. Ces pays sont ; l’Iraq (309), les Philippines (146), le Mexique (120), le Pakistan (115), la Russie (109), l’Algérie (106), l’Inde (95), la Somalie (75), la Syrie (67) et le Brésil (62).

L’année dernière, la France (10) occupait, avec l’Iraq (10) et le Yémen (10), la première place du classement des pays comptant le plus grand nombre de meurtres, en raison du massacre par des terroristes des journalistes et des professionnels des médias de l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo.

La région Asie-Pacifique enregistre le plus grand nombre de morts, 571, suivie par le monde arabe et le Moyen-Orient, 473, un de plus que le continent américain, 472. L’Afrique est en quatrième position, avec 424 victimes, et l’Europe ferme la marche, avec 357 morts.

En 2015, c’était l’Amérique qui comptait le plus de morts (27), suivie par le Moyen-Orient (25).

Autre constatation du rapport : le peu d’attention accordée aux niveaux de violence subis par les journalistes à travers le monde. Seul un meurtre sur dix fait l’objet d’une enquête. La FIJ déclare que le manque d’action pour éradiquer l’impunité des meurtres et autres attaques visant les professionnels des médias ne fait qu’aggraver la violence dont ils sont victimes.

Le rapport fournit également des détails quant à la campagne menée sur plusieurs fronts, au fil des ans, par la FIJ et ses affiliés pour renforcer la sécurité des journalistes. Elle comprend différentes initiatives entreprises par la Fédération, telles que l’établissement d’un Fond de Sécurité international pour aider les journalistes en difficulté et la mise en place de centre de solidarité en Algérie, en Colombie, aux Philippines et au Sri Lanka, afin de répondre aux situations de crises et fournir une assistance.

Le rapport répertorie également des outils pratiques afin de conseiller les journalistes sur des missions dangereuses, tels que le Code de Principes international sur la Conduite des Journalistes et la publication de Live News, un guide de survie à l’usage des journalistes travaillant en zone de guerre.

De plus, la Fédération a commencé à jouer un rôle de premier plan dans la formation de coalitions au sein des défenseurs de la liberté de la presse et de l’industrie des médias pour protéger les journalistes, à travers la création d’organisations telles qu’IFEX et INSI. La FIJ a également développé des partenariats avec des organisations intergouvernementales, y compris l’UNESCO et son Plan d’Action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, et le Conseil de l’Europe et sa Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes. Le partenariat établi avec le Comité international de la Croix Rouge afin de faciliter l’accès à sa ligne directe en cas de besoin urgent d’aide a bien fonctionné.

La FIJ insiste sur le fait que ces rapports ont servi de sonnette d’alarme face à la violence rencontrée dans les médias. Ils ont permis de promouvoir le besoin de protection des journalistes et de limiter les risques que leur sécurité encourt. Le rapport fait référence à une responsabilité partagée des journalistes et de leurs employeurs afin d’évaluer les risques encourus, éviter les missions dangereuses et prendre toutes les précautions nécessaires concernant les reportages en zone dangereuse.

Cependant, selon M. Bellanger, « Pour commencer, tout le monde, les responsables gouvernementaux, les agents de sécurité et les officiers militaires ainsi que les autres personnes qui sont en contact avec des journalistes doivent respecter leur indépendance. Cette action exige de la part des gouvernements le respect de leurs obligations internationales, en investiguant sur les meurtres de journalistes et en traduisant en justice les responsables, afin de dissuader toute violence future. Tout dépend de la volonté des Nations unies et de ses organismes, agissant en tant que gardiens des instruments internationaux qui consacrent le droit à l’intégrité physique de tous les êtres humains, à faire respecter ces garanties octroyés aux journalistes et aux professionnels des médias. »

Fédération internationale des journalistes.