Ambassadeur du Sénégal à Paris, Bassirou Sène veut jouer pleinement son rôle dans la lutte contre le terrorisme. Interrogé en marge de la conférence des ambassadeurs et consuls généraux, le diplomate compte servir de relai à l’Etat pour identifier les Sénégalais qui s’activent dans le jihadisme en France. En outre, il revient sur les attentats de Paris et milite pour la méthode violente pour l’éradication du terrorisme.
Quelle appréciation faites-vous des attentats terroristes du 13 novembre à Paris qui ont fait 120 morts ?
La première interprétation que je fais est qu’on ne peut pas associer le terrorisme à l’islam. Ce sont des gens, qui n’obéissent à aucun des préceptes de cette religion, ni des principes qui la régissent. Ce sont donc des gens qui ont des problèmes avec leurs sociétés et qui leur expriment à leur manière. Le deuxième élément, c’est que tuer des innocents, c’est une liberté de l’individu qui le fait mais n’obéit à aucune règle ni humaine, ni religieuse. Devant les illuminés de ce genre, le comportement à avoir, est celui de protection de soit même, de sa vie… Je le dis souvent, la vie est le premier des droits de l’Homme. Dès que vous le perdez, vous ne pourrez plus prétendre à aucun autre droit. Par conséquent, la réaction qu’il faut avoir face aux terroristes, c’est un comportement de protection de soi-même et de tous les autres. C’est pourquoi, nous devons adopter des reflexes d’informer les autorités de police, de la gendarmerie et bref tous les corps qui s’occupent de la sécurité quand nous voyons des comportements irresponsables qu’on ne connaissait pas. Car, c’est par la prévention qu’on va venir à bout du terrorisme. D’ailleurs, nous allons alerter l’Etat sur nos compatriotes qui s’activent dans le jihadisme. Est-ce que vous avez jusqu’ici repéré des jihadistes sénégalais en France ?
Pour le moment non.
Comment la communauté sénégalaise a vécu ces attentats ? D’abord, je dois vous dire que la communauté sénégalaise de France est très brave et responsable. Sur les attentats de Paris, on était très atteint. Mais on n’avait pas peur. Nous avons affiché un esprit de responsabilité sachant que ces faits sont une nouvelle donne dans la vie de tous les citoyens en France. Cette communauté a pris la pleine mesure de la chose et a adopté les comportements qu’il fallait, c’est-à-dire éviter les lieux publics, sortir le minimum possible, aller au travail et rentrer à la maison… Je pense que ce sont des reflexes de survie que notre communauté a affichés. Je suis très fier de cette communauté sénégalaise à travers son comportement et sa réaction. Sur ce drame, Dieu nous a préservés parce qu’il n’y avait pas de victimes sénégalaises. Le Président Hollande a déclaré au lendemain des attentats de Paris «à la guerre comme à la guerre». Est-ce que, selon vous, les armes peuvent être un moyen efficace pour lutter contre le terrorisme ? En tout cas contre des illuminés, ce n’est pas une négociation qui peut régler le problème. Ce n’est pas s’asseoir autour d’une table. Les terroristes sont venus avec des idéologies de la violence et il faut les éliminer avant de pouvoir s’asseoir maintenant avec ceux qui peuvent discuter et trouver un compromis. Mais quand on est illuminé et manipulé par une violence du sang, on ne peut pas réagir par la négociation.
Donc pour vous, il faut appliquer la politique «œil pour œil, dent pour dent».
Ce sont des gens qui utilisent la violence. Toutes leurs actions sont centrées sur cela. On ne peut pas discuter avec une personne qui s’explose. Il faut utiliser les mêmes moyens que ces terroristes. Dans un premier temps, il faut les éradiquer et les éliminer. Cela ne veut pas dire aller en jihad comme Le Quotidien l’a titré (rires) (Ndlr : le journal a titré vendredi «Les diplomates en jihad»). Il faut adopter des méthodes modernes, sages et correctes. Il faut aller identifier les lieux où ils se trouvent ; les raser et envisager des discussions avec ceux qui restent. Ces actes barbares des terroristes ne peuvent pas continuer. On ne peut pas impunément affronter le monde. Il faut que la coalition mondiale vienne à bout de ce fléau. Que faut-il faire pour permettre au Sénégal d’être loin de ce «fléau»? Dieu merci, nous sommes épargnés. Mais cela ne veut pas dire que nous allons dormir sur nos lauriers. Nous allons prendre toutes les dispositions nécessaires pour nous protéger. Mais nous avons des acquis. Nous sommes d’abord protégés par notre appartenance à notre commune volonté de vie commune. C’est extrêmement important. Le Sérère, le Pulaar, le Lébou, le Diola ont tous des affinités et des relations de complémentarité avec le cousinage à la plaisanterie. Aujourd’hui, je ne peux pas me permettre de faire du mal à un Pulaar et vice-versa pour les autres ethnies. Ce sont des cousins. Autre chose, nous sommes dans un pays très pratiquant de l’islam. C’est cela la différence avec les autres. Vous voyez que toutes les mosquées respectent les 5 prières au Sénégal. On en compte dans le monde les pays où on observe une telle assiduité dans la pratique de l’islam. Au Sénégal, nous avons des leviers qui peuvent nous permettre de rester à l’abri de la menace terroriste. Nous avons une police et une Armée performantes qui peuvent neutraliser les velléités jihadistes. Mais encore une fois, soyons vigilants.
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