Ex-FN, la passeuse de migrants reconnue coupable, mais dispensée de peine

© Benjamin Massot, AFP | Béatrice Huret à son domicile, à Wierre-Effroy, dans le nord de la France, le 7 juin 2017.

Béatrice Huret, qui avait aidé des migrants à traverser la Manche en bateau en juin 2016, a été jugée coupable, mardi, par le tribunal correctionnel. La femme de 44 ans qui risquait un an de prison avec sursis a toutefois été dispensée de peine.

Jugée Coupable. Pourtant, Béatrice Huret, assise sur le banc des prévenus, s’est dite « soulagée » par la décision du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), mardi 27 juin. Car le ministère public avait requis un an de prison avec sursis contre cette ancienne militante Front nationale pour avoir aidé des migrants à traverser la Manche en bateau en juin 2016. 

Dans cette affaire, les magistrats n’ont pas retenu les circonstances aggravantes de « bande organisée » ou de « mise en danger d’autrui ». « On a dépassé ce que la loi tolère en matière de solidarité », a dit Camille Gourlin, procureur au tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer. Dans son réquisitoire, il avait mis l’accent sur les risques considérables pris par les migrants lors des traversées en bateau de la Manche.

Veuve depuis 2010 d’un mari policier, Béatrice Huret voit sa vie basculer début 2015 lorsqu’elle prend en stop un jeune Soudanais pour l’accompagner à la « Jungle ». Elle décide alors de s’y rendre régulièrement comme bénévole. La voilà bouleversée par la manifestation d’un groupe d’Iraniens qui s’étaient cousu la bouche pour protester contre le démantèlement d’une partie du camp… Elle ressent « un coup de foudre » pour l’un d’eux, Mokhtar, leur porte-parole, alors âgé de 35 ans, converti au christianisme.

Elle tombe amoureuse de Mokhtar, qui rêve de vivre en Angleterre

Après avoir perdu sa trace, elle « se porte volontaire » pour l’accueillir à son domicile avec un autre Iranien, à la demande de Laurent C., bien introduit dans le milieu de la « Jungle », également prévenu et qui a fait l’objet du même réquisitoire.

Béatrice Huret tombe amoureuse de Mokhtar, qui rêve de vivre en Angleterre. « Elle respecte tellement son désir de liberté et d’Angleterre qu’elle décide de l’accompagner » dans cette quête, a plaidé son avocate Me Marie-Hélène Calonne. Les « bouches cousues » sont « d’une détermination absolue, c’est dire le peu de moyens qu’elle peut avoir pour les dissuader » de tenter la traversée de la Manche, a souligné Me Calonne.

Le passage s’effectuera le 11 juin 2016 dans des conditions difficiles, le petit bateau de plaisance, acheté 1 000 euros, manquant de chavirer. Les trois hommes seront sauvés par les garde-côtes britanniques.

Deux autres migrants aidés

Dans la matinée, Béatrice Huret s’est raidie pour expliquer un autre volet du dossier, quand elle a dû dire pourquoi elle avait laissé deux migrants à Zoteux (Pas-de-Calais), à deux kilomètres d’un parking où stationnaient des poids lourds, bien après le passage de Mokhtar en Angleterre. « Ça se passait mal pour eux dans la Jungle, ils s’étaient fait dépouiller », bredouille-t-elle. Plus tard, Laurent C., dira avoir retrouvé « dans un état lamentable » ces deux migrants, assoiffés, une version contestée par Béatrice Huret.

Béatrice Huret est aujourd’hui toujours en couple avec Mokhtar, qui a obtenu le statut de réfugié, et qu’elle va voir régulièrement dans les environs de Sheffield.

Avec AFP