Le périple du migrant guinéen Souleymane Baldé

au-festival-de-cinema-de-douarnenez-souleymane-balde-a_3060508Il est invité au Festival de cinéma de Douarnenez qui s’achève demain. Souleymane Baldé, brodeur guinéen, a parcouru près de 5.800 km, de Guinée-Conakry jusqu’en France. Un voyage clandestin comme il en existe tant d’autres, mais dont les témoignages sont rares.

« Je marche sans papiers, je ne suis qu’un exilé, je ne vis que d’amour, je ne parle que de paix et je tiens à ma liberté ». Ces mots, Souleymane Baldé les a brodés sur un tissu pour ne jamais oublier. Pour toujours se souvenir de son voyage, de ces 5.800 km d’un périple qu’on peine à imaginer, depuis la Guinée-Conakry jusqu’à Lille (Nord).Tout commence fin 2014, dans une Guinée aux frontières alors fermées pour contenir l’épidémie Ébola. Souleymane fuit pour survivre, avec, dans son sac, un crochet et de la laine. Le Guinéen est brodeur. De nuit, il traverse clandestinement la frontière sénégalaise et s’installe à M’Bour pour vendre ses casquettes, débardeurs et bracelets en crochet. Il pensait que son voyage se terminerait là mais six mois passent et le voilà de nouveau sur la route, direction le Mali. « C’était la première fois que je quittais mon pays. J’ai été passionné par les rencontres que j’ai faites, de voir à quel point, à l’étranger, tout était si différent de chez moi ».

 

Passeurs et ghettos


Alors Souleymane monte dans un bus et descend à Bamako, la capitale malienne. Son objectif se précise : aller en France, pour « voir la Tour Eiffel » et surtout acquérir un diplôme français. Il se paye les services d’un passeur de migrants qui l’embarque dans un bus direction l’Algérie. Après deux jours passés à Gao, il réussit à embarquer dans un autre véhicule, un camion de transport pour chameaux. Avec lui, une cinquantaine d’autres migrants d’Afrique noire. Au Mali, la guerre sévit, les indépendantistes contrôlent le Nord. Après s’être fait racketter et torturer, le Guinéen passe la frontière algérienne et atterrit dans ce que les clandestins appellent un « ghetto », une planque où les passeurs entassent les sans-papiers. Pour continuer sa route, Souleymane enchaîne les petits boulots mais n’est parfois pas payé.

Le choc du racisme


« J’ai été choqué par le racisme des Algériens. Là-bas, si tu es noir, tu es comme un animal. Il y a eu des moments où j’étais découragé mais je n’ai jamais pensé à la mort. J’ai réussi à tirer une force de mon désespoir ». Après un séjour dans un autre ghetto, Souleymane se cache en forêt à deux pas de la frontière marocaine mais se fait arrêter et passe trois semaines en prison. C’est un Guinéen d’à peine 15 ans, Abdoul, qui le tire d’affaire. Les deux amis entament alors leur premier « tentement », comme disent les migrants qui tentent de passer la frontière. Le petit passe mais Souleymane se fait prendre. Un mois plus tard, il réussit à passer la frontière marocaine, traverse le pays et approche de l’Espagne. L’heure des grands convois est arrivée. Souleymane tentera deux fois de traverser la Méditerranée à bord de bateaux pneumatiques dégonflés. « La première fois, notre boussole a lâché. Nous nous sommes perdus cinq jours en mer sans manger ni boire. Tout le monde était dans le désespoir et attendait la mort ». Finalement repêché par les autorités, Souleymane retente sa chance. Nouvel échec : le rafiot coule. « Je me suis évanoui, agrippé à un boudin en plastique et je me suis réveillé dans une ambulance. Nous n’étions que 15 sur 65 à avoir survécu ». Le Guinéen change alors de route et finit par rejoindre Madrid où une ONG l’aide à payer un billet pour la France, qu’il rejoint en janvier 2016, plus d’un an après son départ de Guinée. Depuis, il est à Lille où il vient d’obtenir une place dans un foyer. Avant, il a vécu plus de six mois dans une tente, au parc des Olieux. Comme près de 130 autres migrants qui ont fui leur pays pour changer leur destin. Ils risquent l’expulsion.
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