Les victimes – deux femmes et un homme d’une vingtaine d’années – ont été attaquées vers 11 h, au niveau de la station de métro « Passage », en plein centre-ville. Leur agresseur a été arrêté quelques minutes plus tard et les victimes ont été conduites à l’hôpital Charles-Nicolle.
Les deux femmes ont été touchées à la gorge »
Ahmed Rachid
L’agresseur a d’abord attaqué une femme, puis l’autre, avant de s’en prendre à l’homme. Ce dernier a reçu un coup de couteau au bras droit, mais les deux femmes ont été touchées à la gorge.
L’une d’entre elles se trouve d’ailleurs toujours à l’hôpital, en réanimation. L’autre a pu le quitter dimanche, mais elle continue de recevoir des soins à la maison. Quant au jeune homme, il a été ramené à l’hôpital dimanche, alors qu’il l’avait quitté, car il avait vraiment mal au bras.
Les trois victimes de l’agression perpétrée samedi 24 décembre. Photos publiées sur la page Facebook de Nyobe Lipot Laurent et floutées par France 24.
Samedi, à la suite de l’attaque, un groupe d’étudiants s’est rassemblé spontanément devant le poste de police de Bab Souika, où l’agresseur avait été amené, pour qu’il ne soit pas relâché sans suite. [France 24 a tenté de joindre les autorités ce lundi, pour savoir s’il se trouve toujours en détention ou s’il a été relâché, mais n’a obtenu aucune réponse jusqu’à présent, NDLR.]
Rassemblement devant le poste de police de Bab Souika, samedi 24 décembre. Photos publiées sur la page Facebook de l’AESAT.
J’ai pu entrer à l’intérieur du poste de police, où j’ai vu le couteau qu’il avait utilisé : c’était une lame d’une trentaine de centimètres. Son père est également venu sur place : il a dit que son fils était sorti avec une jeune femme africaine en France dans le passé et qu’il avait eu des problèmes avec elle. Il a ajouté qu’il avait des problèmes psychologiques depuis cet épisode. Mais cela n’excuse pas tout !
Le lendemain, de nombreuses personnes se sont rassemblées devant le théâtre municipal, sur l’avenue Habib Bourguiba, pour protester contre les agressions dont les Africains d’origine subsaharienne sont régulièrement victimes. Il y avait de nombreux Subsahariens, mais également des Tunisiens, comme des membres de l’Union des étudiants tunisiens et la députée Jamila Debbech Kssikssi.
Rassemblement devant le théâtre municipal de Tunis, dimanche 25 décembre. Photos publiées sur la page Facebook de l’AESAT.
« Pour une fois, cette agression a suscité des réactions politiques »Pour une fois, cette agression a choqué les Tunisiens et suscité des réactions politiques [notamment du parti politique Al Massar, NDLR]. Mais elle n’a malheureusement rien d’exceptionnel. Les personnes de couleur noire sont régulièrement agressées dans la rue et il n’y a généralement aucune suite lorsqu’elles portent plainte, et aucune condamnation de la part des autorités. Par exemple, début 2015, nous avions répertorié une série d’agressions visant des membres de la communauté subsaharienne, à la suite d’un match Tunisie-Guinée Équatoriale de la Coupe d’Afrique des nations.
Ces agressions sont liées au racisme, qui reste très fort en Tunisie. Par exemple, de nombreux jeunes qui fréquentent l’université et réussissent leurs examens, n’obtiennent parfois jamais de titre de séjour. Certains ont même été expulsés du pays pour cela. Par ailleurs, on entend régulièrement des insultes dans la rue – on se fait notamment traiter de « négros » – les chauffeurs de taxi ne veulent pas toujours nous prendre, on est toujours surveillés dans les supermarchés, comme si on allait voler des produits…
>> SUR LES OBSERVATEURS : Des Tunisiens attaquent un immeuble d’étudiants noirs-africains, la police arrête… la victime
Dimanche, Samira Merai, la ministre de la Santé, et Mehdi Ben Gharbia, le ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l’Homme, se sont rendus à l’hôpital où se trouvaient les victimes.
Mehdi Ben Gharbia a indiqué qu’il s’agirait d’un acte criminel, selon les premiers éléments de l’enquête. Il a toutefois ajouté que l’agresseur souffrirait de troubles psychologiques. Ce lundi, à l’occasion de la journée nationale contre la discrimination raciale en Tunisie, il a également affirmé qu’il fallait arrêter de nier « l’existence de ce fléau » dans le pays et le combattre. Cette déclaration rejoint celle de Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien, qui a appelé à l’examen en « urgence » par le Parlement d’un projet de loin criminalisant les discriminations.